Utiliser mon ADN ? Oui, mais ...
Nos connaissances sur l’ADN progressent rapidement. Tôt ou tard, chacun d’entre nous sera confronté à la question « Qu’en est-il de mes données ADN ? ». C’est pourquoi, le Centre du cancer de Sciensano a organisé l’année dernière un débat ADN en ligne afin de rassembler les Belges autour des questions éthiques de l’utilisation des données ADN dans notre société. Le 19 novembre 2020, les principales recommandations de ce débat ont été présentées aux experts et aux décideurs politiques lors d’un symposium de clôture. Au total, plus de 4500 Belges ont visité le site web du débat ADN (www.debatadn.be) pour y exprimer leurs opinions sur 5 thèmes éthiques, s’informer sur l’ADN en général et faire le test « Et si tout le monde pensait comme toi ? ».
Nos données ADN sont susceptibles d’être utilisées à chaque stade de notre vie. Le test néonatal, le test du porteur, le test prénatal, les diagnostics du cancer et les tests de dépistage des maladies héréditaires ne sont que quelques exemples des possibilités qu’offre actuellement la médecine génomique. Dans les années à venir, il sera de plus en plus facile de connaître notre ADN et d’accéder aux informations qu’il contient, notamment par le biais de la médecine préventive personnalisée et des traitements médicaux sur mesure. Ces nouvelles possibilités posent la question suivante : comment devons-nous gérer les données qui proviennent de notre ADN ?
D’octobre 2019 à mars 2020, le débat ADN a réuni un grand nombre de citoyens qui ont débattu sur les questions éthiques de l’utilisation des données ADN, réparties en 5 thèmes :
- Connaître son ADN
- Partager ses données ADN
- Un passeport génétique pour tous
- Pour quelle(s) finalité(s) utiliser les données ADN ? Les finalités à éviter et celles à soutenir
- Autres thèmes évoqués par les participants
De ce débat, 3 messages-clés ressortent et sont soutenus par la majorité des Belges :
1. Mon ADN, mon choix
Les participants reconnaissent le caractère unique et intime de l’ADN, mais aussi les multiples conséquences que sa connaissance peut avoir sur leur vie (ex : stress psychologique). Dès lors, ils soulignent l’importance de pouvoir décider librement de l’utilisation de leurs données ADN, mais de façon éclairée grâce à une bonne information générale. Cette autonomie signifie que chacun doit être libre de connaître ou non son ADN, d’en informer ses proches en cas de maladie héréditaire, d’en tenir compte dans ses comportements (ex : prévention), de partager ses données, etc. Autrement dit, connaître l’ADN des individus ne peut en aucun cas être source d’obligations ou de pression sur ces individus, notamment afin de préserver le droit de chacun à un futur ouvert indépendamment de sa constitution génétique.
2. L’ADN n’est pas l’essence de toute chose
Bien que les participants reconnaissent le rôle déterminant que l’ADN peut jouer sur la constitution, la santé et la vie d’un individu, il subsiste un champ de possibles. En effet, notre éducation, notre environnement et notre mode de vie sont autant de facteurs qui exercent aussi une influence sur ce que nous sommes et ce que nous serons. La société doit promouvoir une approche non déterministe et non réductionniste de l’ADN pour éviter que ce dernier ne soit utilisé comme label pour catégoriser ou discriminer les individus. Les participants adressent ce message en particulier aux secteurs de l’emploi, des banques et des assurances, bien qu’il vaille pour tous les secteurs de la société.
3. Respecter la vie privée, la transparence et la traçabilité
Les Belges considèrent l’ADN comme une source de données exceptionnelle et puissante sur l’individu, dont l’usage futur ne peut pas être prédit. Le partage de ces données allant de pair avec des incertitudes et des angoisses évidentes, le besoin de confiance est particulièrement prégnant. De ce fait, le respect de la vie privée, la transparence et la traçabilité sont des conditions fondamentales du partage des données ADN. Les Belges souhaitent conserver un certain contrôle sur leurs données ADN et auront davantage confiance s’il existe un cadre légal clair destiné à les protéger contre les éventuelles utilisations abusives, et qui soit le plus adapté possible aux nouvelles connaissances et aux progrès scientifiques. Le principe de précaution constitue donc une des lignes directrices de l’utilisation des données ADN dans notre société.
En ce qui concerne les finalités de l’utilisation et de la réutilisation des données ADN, le débat a mis en évidence que les Belges soutiennent très largement et avec enthousiasme la recherche scientifique et médicale, souhaitant ainsi contribuer aux progrès de notre société. Une partie de la population belge cautionne également la finalité judiciaire afin de faciliter les enquêtes criminelles et d’accroître la sécurité nationale.
Le débat ADN reflète une grande diversité d’opinions et dresse le tableau de ce que pourrait être notre société à l’avenir. Il faudra articuler de manière transparente les différentes conceptions de la liberté individuelle, les évolutions scientifiques, le droit et l’éthique. Un enjeu qui exigera d’autres débats sociétaux.
Étapes et rapports
2018 |
FÉVRIER Issue framing workshop ( Rapport en anglais) |
2019 |
MARS Stakeholder workshop (Rapport Synthese génome) |
2020 |
NOVEMBRE Symposium de clôture (Présentation) |
Publications